“Perdre sa vie à la gagner” : derrière cette astucieuse formule se cache la notion de travail et notre rapport à celui-ci. Une participante commence par souligner l’aliénation qu’illustre la formulation de la question. Selon elle, le sentiment de “perdre sa vie” au travail n’est pas partagé par tout le monde, d’autant moins par les anciennes générations.
L’absence de sens au travail qui caractérise la jeune génération s’expliquerait par un arbitrage propre au processus d’industrialisation : alors que les individus ont besoin de se reconnaître dans la finalité de leur travail (autrement dit, de voir le fruit de leur création prendre vie), le capitalisme favorise la division du travail pour obtenir des gains de productivité. Cette tension confine les travailleurs dans des activités toujours plus spécialisées, au service d’une chaîne de production qu’ils ne comprennent plus, et dont ils ont souvent du mal à identifier le sens.
La complexification de l’économie résulte nécessairement en ce paradoxe qu’il y a aujourd'hui beaucoup plus d’outils, mais bien moins de forgerons qu'hier. Beaucoup plus de meubles, mais bien moins de menuisiers. Couplée à la technologie, la divison du travail nous a arrachés à notre place de créateurs, et en échange, nous a offert de devenir les dents d’un rouage qui nous dépasse. Certes nous nous sommes enrichis matériellement, mais ce productivisme a pour prix un certain appauvrissement spirituel au travail.
Face à ce constat, un jeune participant nous rappelle qu’il est de notre responsabilité de nous réapproprier le sens de notre travail par deux moyens :
Il défend que notre attrait pour le luxe et notre quête de statut social sont les raisons pour lesquelles nous sacrifions nos vies au travail, mais que cette voie n’est pas une fatalité. Au contraire, il nous incomberait de choisir ce qui est réellement important dans nos vies et d'apprendre à renoncer à ce qui ne l'est pas.
Il déplore la recherche de plaisir et de bonheur au travail. Selon lui, celles-ci ont remplacé les notions d'effort et de service qui donnent précisément du sens au travail.
En d'autres termes : lorsque les choses se complexifient au-delà de notre compréhension, peut-être nous incombe-t-il de revenir à la simplicité. Alors que nous aspirons à que le travail serve le besoin de sens dans nos vies, peut-être le sens du travail se trouverait-il, au contraire, dans le simple fait de rendre service et de se rendre utile à autrui.
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