top of page

Faut-il souffrir pour évoluer ? | Genève #13

Le groupe constate d’abord que beaucoup de changements personnels semblent liés à une forme de souffrance. Elle interrompt le cours habituel des choses, impose un arrêt ou une perte de repères. Ce qui fait mal oblige souvent à revoir ses choix, à réfléchir autrement. Certains participants disent que, dans leur expérience, la souffrance a marqué un tournant. Elle a permis un recul, un déplacement intérieur, une remise en mouvement. Même si ce mouvement n’est pas toujours visible de l’extérieur, ils sentent qu’il se passe quelque chose.

 

Une distinction est évoquée entre souffrance subie et souffrance choisie. La première est brutale, souvent dénuée de sens immédiat. La seconde — effort sportif, apprentissage, création — peut être féconde. Ce choix change profondément la manière dont la douleur est vécue.

 

Mais ce lien entre souffrance et évolution ne va pas de soi. Les participants soulignent que toute douleur ne transforme pas. Certaines abîment, isolent, figent. À l’inverse, on peut aussi évoluer par la joie, le désir ou la curiosité. La souffrance n’est donc ni indispensable, ni garante d’un progrès.

 

Le groupe revient souvent sur la question du sens. Ce n’est pas la souffrance qui transforme, mais ce qu’on en fait. Certains participants notent qu’on lui attribue souvent une signification après coup, pour la rendre supportable. Mais faut-il toujours lui donner du sens ? Et si certaines souffrances n’en avaient pas ?

 

À ce stade, le groupe pointe deux tendances sociales opposées. D’un côté, la tyrannie du bonheur pousse à éviter toute douleur, ou à la rentabiliser comme outil d’optimisation personnelle. De l’autre, dans le domaine artistique notamment, on valorise parfois la souffrance comme moteur de création : l’artiste serait celui qui puise dans ses blessures pour produire du sens. Deux visions différentes, mais qui partagent l’idée que la douleur doit “servir à quelque chose”.

 

C’est ici qu’émerge une inquiétude plus profonde. Plusieurs expriment une peur existentielle : celle d’une souffrance absurde, qui ne mène à rien. Que faire si ce qui fait mal ne transforme pas, n’enseigne rien ? Cette possibilité heurte leur besoin de sens, mais elle paraît difficile à écarter.

 

Enfin, certains rappellent que la souffrance peut ouvrir à l’autre. Elle crée du lien, de la vulnérabilité, rend possible un partage plus vrai. Mais elle peut aussi isoler. Le groupe reste partagé : tout dépend peut-être de la manière dont la souffrance est traversée, de l’espace dans lequel elle peut être entendue — sans qu’elle soit ni sacralisée, ni disqualifiée.

 

En quittant ce café-philo, le groupe n’a pas tranché. Mais il a cherché, ensemble, dans l’effort de penser. Et parfois, cet effort-là suffit à créer une forme de mouvement intérieur — et des pistes de réponses aux grandes questions qui nous habitent.

 

Commentaires


bottom of page