L'Homme a-t-il progressé ? | Genève #17
- Ludivine Jordan
- 5 mai
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 juin
Plus que de savoir si l’homme a effectivement progressé, les participants se sont d’abord demandé vers quoi tend ce progrès, autrement dit, qu’est-ce qu’on appelle “progresser” ? Car parler de progrès suppose un cap, une direction, une idée – même floue – de ce qu’il faudrait atteindre. Est-ce l’absence de souffrance ? L’harmonie entre les êtres, avec le vivant ? Une plus grande compréhension du monde ? Ou bien une maîtrise croissante de celui-ci ? Très vite, la discussion s’est construite autour de ces différentes conceptions possibles du progrès.
Certains ont mis en avant le progrès technologique, reconnaissant qu’il a permis de grandes avancées concrètes, mesurables, notamment sur le plan médical ou scientifique. Mais ce progrès matériel ne répond pas pour autant à la question du sens. Il a ses limites, voire ses dangers : les effets écologiques, la perte de lien, la saturation des moyens. C’est pourquoi une partie du groupe a exprimé le souhait d’un ralentissement de ce progrès technique, ou du moins d’un recentrage, pour ne pas perdre de vue l’essentiel.
D’autres participants ont alors proposé de penser un progrès moral, non pas comme un simple prolongement du progrès technique, mais comme quelque chose d’autre : une capacité accrue à respecter l’autre, à éviter la violence, à se relier. Ce progrès-là semble plus incertain. Est-il réel ? Est-il mesurable ? Est-il même possible ? À défaut de certitudes, une piste a émergé : celle d’une intuition partagée du bien. L’esclavage, la torture, les inégalités fondamentales sont aujourd’hui largement considérés comme inacceptables. Ces points de refus pourraient constituer des repères communs, fragiles mais réels, pour penser un progrès moral.
Mais là encore, rien n’est linéaire. Le retour des conflits armés, les attaques contre la démocratie, les injustices persistantes nous rappellent que ce que l’on croyait acquis peut reculer. Le progrès moral, s’il existe, n’est pas un fait établi : c’est une tension constante, une question ouverte, et non un état définitif. Peut-être faut-il justement l’envisager ainsi : comme un mouvement, non comme une accumulation.
Finalement, tout au long de la discussion, une idée a traversé les échanges : progresser, ce n’est pas seulement aller quelque part, c’est savoir vers quoi et pourquoi l’on avance. Et si l’on ne se met pas d’accord sur ce “vers quoi”, le progrès peut devenir une fuite en avant. Finalement, la question « l’homme a-t-il progressé ? » a laissé place à une autre, plus essentielle : vers quoi souhaitons-nous vraiment tendre, individuellement et collectivement ?
À défaut d’une réponse tranchée, les participants auront, à tout le moins, fait l’expérience du progrès dans leur réflexion philosophique, partagée avec d’autres lors de ce café-philo chaleureux du mois de mai.
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