La vérité est-elle relative ? | Genève #15
- Ludivine Jordan
- 13 avr.
- 2 min de lecture
Un chapeau est au centre de la table où les participants sont assis. Autour, chacun le décrit : la forme, l’ombre, la couleur, un détail caché. Les points de vue diffèrent, parfois se contredisent. Pourtant, tous parlent du même objet. Ce n’est pas le chapeau qui change, c’est le regard. Cette scène simple soulève une question plus large : si nos perceptions sont multiples, qu’en est-il de la vérité ? Est-elle relative à chacun, ou vise-t-elle quelque chose qui nous dépasse ?
Dire que la vérité est relative, c’est admettre qu’elle dépend de celui qui parle. Mais alors, peut-on encore se contredire ? Peut-on même penser, si tout est vrai dès lors qu’on le dit ? Le principe de non-contradiction nous offre ici un point d’appui : on ne peut affirmer une chose et son contraire sans tomber dans l’absurde. Le chapeau ne peut pas être à la fois entièrement rouge et entièrement bleu. Ce principe, aussi élémentaire soit-il, est ce qui permet à la pensée de se déployer sans se dissoudre.
À travers la discussion, une tendance se dessine : la vérité ne serait pas subjective — elle serait multiple, en ce sens que chacun peut en percevoir une part depuis son point de vue. Mais ces parts, prises isolément, restent insuffisantes. On pourrait dire que chacun détient une pièce du puzzle : ce n’est qu’en les mettant en commun, en les confrontant, en les ajustant les unes aux autres, qu’un tableau plus juste peut émerger. La vérité ne résulte donc pas d’une simple addition d’opinions, mais d’un travail collectif de mise à l’épreuve. C’est dans cette tension entre les points de vue, dans le dialogue et parfois le désaccord, que la vérité se cherche — toujours en référence à quelque chose qui ne dépend pas de nous. C’est peut-être là une forme de démocratie : chacun peut participer à cette recherche, à condition de jouer le jeu de l’honnêteté intellectuelle. La science avance ainsi elle aussi : elle s’est souvent trompée, mais progresse en se confrontant sans cesse à de nouveaux regards — comme une manière, imparfaite mais partagée, de tendre vers la vérité sans jamais vraiment l’atteindre.
La vérité, donc, ne se possède pas — elle se cherche, ensemble, autour d’un chapeau ou d’un café. Ce qui compte, ce n’est pas tant d’avoir raison que d’oser penser à plusieurs, en acceptant le doute comme point de départ.
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