Au centre des choses qui nous constituent, il y a nos croyances. Avant d’être une limite, elles sont les fondements sur lesquels reposent nos valeurs, nos opinions, nos actions et même notre identité. C’est généralement parce que je crois en un certain nombre de choses – à la réalité des enjeux climatiques par exemple – que je pense et agis d’une certaine façon.
Cependant, si nos croyances nous permettent d’avancer dans notre existence, il semble à première vue que, parfois, elles nous freinent aussi. Chacun·e a déjà fait l’expérience d’un échange où l’on s’emporte, incapable d’accepter le discours de l’autre et chacun·e connaît cette sensation désagréable qui survient lorsqu’on se rend compte que cette idée importante qu’on tenait pour vraie s’est avérée fausse. Pourquoi ce phénomène ?
Pour le comprendre, peut-être qu’il faut d’abord essayer de distinguer les croyances des vérités. Serait-ce qu’une croyance implique un attachement émotionnel alors que la vérité est exempte d’émotions ? Est-ce que les croyances seraient plutôt du côté des expériences subjectives tandis que les vérités seraient plutôt du côté des faits, prétendus objectifs ? Les croyances seraient plus « limitantes » car, comme nous les tenons pour vraies d’une manière plus personnelle, nous avons plus de mal à admettre qu’elles puissent être erronées ?
Plusieurs questions – parmi d’autres – et toujours la même réponse : oui, mais le contraire est aussi possible. Tentatives infructueuses, il semble vain de vouloir poser une distinction claire entre croyance et vérité sans se perdre dans des recherches épistémologiques probablement sans fin. En même temps, il ne faut pas oublier que les sciences sont in fine toujours basées sur des systèmes de croyances et que nous sommes des êtres aux capacités limitées. Si la vérité doit être quelque chose d’absolu et d’universel, alors il semble qu’en ce qui nous concerne, nous devons reconnaître que nous ne possédons que des croyances. Certaines nous semblent simplement plus vraies que d’autres.
Toutefois, en reconsidérant les questions formulées, une nouvelle piste de réponse s’offre à nous. Chaque question formulée parlait de croyances et de vérités mais aussi, et peut-être surtout, du rapport que nous entretenons avec elles, indiqué ci-dessus par les termes en italiques. La voilà la clé qui nous permet de formuler des réponses : ce ne sont pas nos croyances en elles-mêmes qui limitent nos raisonnements et notre esprit critique, c’est notre rapport envers celles-ci.
Ce n’est pas tant ce qu’on tient pour vrai qui compte (pour notre esprit critique) mais à quel point on y tient. Nous associons des valeurs à nos croyances, que ce soit volontairement ou non, influencé·es par notre environnement socio-culturel et historique, par notre éducation, par notre parcours intellectuel et psychologique, nos liens sociaux, des figures d’autorité, etc. Et plus nous attachons de valeurs à certaines croyances, moins nous sommes capables de nous en défaire. Plus d’attachement, moins de raisonnement. Qu’il s’agisse d’une croyance spirituelle ou d’une « vérité » scientifique.
En conclusion, l’esprit critique implique donc avant tout une certaine capacité de détachement – elle aussi constituée et limitée par les influences externes mentionnées – plutôt qu’un grand savoir. Montaigne le résume clairement : « Mieux vaut avoir une tête bien faite qu’une tête bien pleine. »
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