Comment se construit la liberté ? | Fribourg #32
- Mikael Dürrmeier
- 5 mai
- 3 min de lecture
Comment se construit la liberté ? Pour y répondre, il faut évidemment commencer par se demander ce qu’est la liberté, ce que c’est que d’être libre. Et s’il est d’emblée évident que la liberté est liée à nos choix et à nos options, il devient ensuite apparent que la liberté est une notion à deux facettes, nécessaires et complémentaires. La construction de la liberté, nous le verrons, s’articule et se construit dans une dualité.
Être libre, de manière pragmatique, c’est d’abord pouvoir ou ne pas pouvoir faire telle chose. C’est avoir des possibilités d’exercer sa liberté. Cela dit, il faut remarquer que nous ne pouvons pas dire d’une personne qu’elle n’est pas libre si ce qu’elle désire est tout simplement impossible, comme manger une glace alors qu’il n’y en a pas à sa portée. Elle peut le désirer, et même le regretter, mais cela ne la rend pas plus ou moins libre stricto sensu.
En réalité, lorsque nous disons d’une personne qu’elle n’est pas libre, nous entendons par là qu’elle n’a pas accès à certaines possibilités, pas que celles-ci lui sont absolument impossibles. Une personne n’est pas libre de manger une glace s’il y en a une à sa portée mais qu’elle n’a le droit de la manger, que ce soit par privation ou par punition. La liberté comme absence de restriction, ce qui implique une possibilité (non-restreinte).
Il nous faut maintenant considérer l’importance du rapport que nous entretenons avec les possibilités qui nous sont données. Voilà nos deux facettes : d’un côté les possibilités objectives d’exercer notre liberté, ce qu’on pourrait désigner comme la liberté extérieure et, de l’autre, nos ressentis subjectifs vis-à-vis de ces possibilités, ce qu’on pourrait désigner comme le sentiment de liberté, ou la liberté intérieure. Se sentir libre...et l’être vraiment.
Si la question initiale ne portait que sur la liberté extérieure, alors nous pourrions répondre quelque chose comme : “la liberté (extérieure) se construit a) en fonction des possibilités b) liées au développement de l’environnement socio-culturel c) dans et avec lequel nous interagissons”. Mais il est clair que la complexité de la question se trouve du côté “intérieur” de la notion, dans le rapport que nous entretenons avec un cadre toujours changeant de possibilités.
Pourquoi, cela dit, avons-nous besoin de ce rapport, de nous “sentir” libres ? Après tout, seules comptent les possibilités concrètes qui s’offrent à nous, n’est-ce pas ? Non, car notre liberté se construit aussi, et surtout, par la mise en relation de ces possibilités avec nos désirs. Si je ne désire pas manger une glace, je ne me sens pas plus ou moins libre, qu’il y en ait une à ma portée ou non. Et dans le cas où il y en a une, je ne suis que plus hypothétiquement libre.
Un être sans aucun désir n’aurait d’ailleurs pas besoin de se sentir libre, ni même de l’être effectivement. Mais comme nous sommes des êtres (bien) capables de désirer, il nous faut comme un indicateur pour éviter les erreurs ou les déceptions, un sentiment de liberté intérieure qui découle d’une évaluation – puis d’une adéquation – de la relation entre ce que ne nous voulons et ce que nous pouvons. Se sentir libre est in fine, plus important que de l’être vraiment.
Partiels, ces éléments nous permettent toutefois d’articuler une multitude d’exemples que nous ne ferons que mentionner ici : le fait de pouvoir souffrir face à trop de choix ou, à l’inverse, de se sentir profondément libre dans une situation précaire ou difficile. Le fait que certain·es s’estiment libres alors qu’ils ou elles ont fait des sacrifices impossibles à d’autres. Le rapport au temps, aux imprévus, aux enjeux, au bonheur. Et caetera.
Disons simplement, en guise de réponse préliminaire, que la liberté se construit dans notre rapport au monde et que celui-ci est composé d’une part par nos possibilités dans ce monde et, de l’autre, par nos perceptions, nos désirs et nos savoirs vis-à-vis de celui-ci. Et si ce rapport est imparfait, nous tombons dans les deux cas dans une forme d’ignorance ou de déni. L’ayant (un peu) mieux compris, une autre question s’impose : sommes-nous vraiment libres ?
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