Faut-il toujours aller mieux ? | Fribourg #31
- Mikael Dürrmeier
- 7 avr.
- 3 min de lecture
Appareils connectés, breathwork, rayons de librairie entiers sur le développement personnel, régimes, tendances Instagram ou Tik-Tok, yoga, compléments alimentaires, fitness, méditation, astuces de vie par reels, etc. Nous vivons dans l’ère du quantified self, du culte de la performance et de la religion du bien-être. Les moyens de “devenir meilleur·e” foisonnent autant que les injonctions y incitant, lesquelles profitent surtout aux réseaux sociaux et à une industrie effervescente.
Aller mieux. Progresser. L’intention initiale est intuitivement bonne. Mais qu’elle en est sa portée, et sa limite ? Faut-il toujours chercher à aller mieux, même quand tout va bien ? Le paradigme du développement personnel, entendu ici au sens le plus large, peut-il vriller d’un idéal louable à une idéologie destructrice ? Si oui, comment l’éviter ? Très vite, il semble que c’est à un exercice de nuance et de recul qu’il nous faut nous prêter.
Nous sommes “un système” fait notamment d’un corps et d’émotions, de vécus et d’espoirs, de compétences et de faiblesses, de pratiques et d’habitudes, d’un milieu social et de valeurs. Comme pour tout système, il est souhaitable que ses parties fonctionnent correctement et collaborent harmonieusement entre elles. Et comme pour tout système, chaque amélioration partielle ne devrait se faire qu’au bénéfice simultanée de la partie et de l’ensemble.
De l’écologie au bien-être, tout est question d’équilibre. Et cet équilibre est relatif. Relatif à là où nous sommes tout d’abord, à notre situation au sens large du terme. Relation à là où nous voulons “aller” ensuite, à nos aspirations. Deux axes pour trouver le juste milieu, entre une situation saine et des objectifs réalistes. Mais deux axes qui ne cessent de changer, comme nous et notre environnement, ce qui requiert une adaptation perpétuelle.
Et deux axes pétris d’influences externes, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, traditionnelles ou modernes, spirituelles ou économiques. Que nous le voulions ou non, nous sommes des animaux (1) sociaux (2). La nature et notre nature (1) nous transforment et nous demandent constamment de nous adapter, seul et ensemble (2). Il y a donc quelque chose de fondamentalement juste à vouloir évoluer, envers et contre “nous” (au sens de 1 et 2).
Face à la vie et ses enjeux, chercher l’amélioration (a) mais aussi éviter ou atténuer la régression (b). D’où les vertus des exemples introductifs qu’il faut néanmoins aborder avec une sage modération, laquelle se cultive par les apports conjoints des sciences, de la vie spirituelle et de la philosophie. D’où l’importance aussi de s’engager vers une société qui ne nous impose pas uniquement de progrès (a) mais qui nous offre aussi les moyens d’aller mieux (a et b) – et par là nous autorise à aller mal.
Voilà pour ce qui est d’un rapport sain entre nous et notre environnement, entre notre environnement et nous. Dans ces conditions, lorsqu’elles sont sainement orientées, oui, il nous faut toujours chercher à aller mieux. Simplement parce nous, individus et collectivité, sommes inévitablement soumis·es aux risques et changements. Mais nous ne pouvons clore ici sans poser deux nuances essentielles.
La première, c’est que nous nous sommes des êtres soumis·es aux changements mais que nous sommes aussi des êtres imparfaits dans un monde imparfait. On ne peut espérer aller toujours mieux sans apprendre à accepter les coups du sort et des erreurs. L’acceptation, la reconnaissances des limites et du superflu, de la finitude et de notre condition est un critère essentiel pour cultiver l’équilibre.
La seconde nuance, par le truchement de la première, c’est de reconnaître que nous sommes toujours plus ou moins pris dans des phases et des cycles, ne serait-ce que par ceux que la nature déploie chaque jour devant nos sens. Aller toujours mieux, c’est apprendre à reconnaître et accepter que, comme le monde, nous avons nos saisons et nos tempêtes, nos déclins et nos renouveaux. L’écologie. Ici aussi, c’est peut-être le maître mot.
Comments