Voilà une nouvelle question qui inspire rapidement les exemples les plus variés et qui, pour y répondre, demande que l’on porte une attention minutieuse aux termes clés.
Primo : obéir. Lorsque j’obéis, il semble que j’accepte de réaliser ce qu’il m’est demandé de faire ou de ne pas/plus faire. Obéir, c’est toujours répondre à une demande impérative, qu’elle vienne d’une personne qui nous est supérieure, ou non. Je peux aussi obéir à une cause, que je rejoins ou que l’on m’impose.
Il y a des situations où l’obéissance nous semble justifiée, d’autres non. Entre un enfant obéissant à son parent, une personne répondant à la demande d’une autre ou une personne devant agir sous la contrainte, notre jugement moral n’est pas le même. Mais pouvons-nous dire, comme le sous-entend la question initiale, qu’il y a toujours de l’asservissement dans l’obéissance, qu’une forme de soumission est toujours présente, signifiée ?
Secundo : asservir, justement. Comme servir, les deux verbes découlent du latin servire, être esclave. La connotation nous semble d’emblée négative. Mais nous pouvons l’alléger un peu en ajoutant qu’être esclave, c’est aussi être au service, de quelque chose ou de quelqu’un. Et cela peut être une bonne chose, comme lorsqu’on s’engage pour une cause jugée noble. Les deux cas, de l'engagement à l’esclavage, impliquent cependant une réduction de la liberté. Et quand j’obéis, je réduis toujours ma liberté, même si c’est parfois de manière infime.
Faut-il donc en déduire qu’obéir signifie (toujours) s’asservir ? Presque. Pas tout à fait.
Tertio : s’. C’est en effet dans ces deux signes qui, dans leur discrétion, échappent à notre attention, que se trouve la clé de voûte de notre question philosophique. Car si l’asservissement implique la mise d’une personne au service d’une autre et donc une réduction de sa liberté, ce “s” et son apostrophe nous signalent une forme réflexive et non inflexive - néologisme de circonstances tiré du terme “inflexion” :
“X asservit Y à Z.” = “X rend Y esclave de Z.” = “X met Y au service de Z.” = connotation plutôt négative.
“X s’asservit à Z.” = “X se rend esclave de Z.” = “X se met au service de Z.” = connotation plutôt positive.
Ce qui est donc plus ou moins problématique, c'est de savoir qui est la source de cette réduction de liberté. Il faudra toutefois rester dans la nuance ici car il y a des situations où une réduction extérieure de la liberté d’une personne (1.) est une bonne chose comme dans l’éducation. A l’inverse, il y a des situations où une réduction personnelle de la liberté (2.) est une mauvaise chose, comme dans le cas où j’obéirais “de moi-même“ mais en réalité sous la contrainte, en étant trompé, manipulé ou simplement inconscient. En d’autres termes, sans avoir la pleine disposition de mes moyens.
Voilà qui nous permet donc de donner une brève réponse à la question de café-philo : oui, il y a toujours de l’asservissement, même minime, dans l’obéissance. Mais ce qui compte, c’est de savoir si c’est asservissement et conscient et volontaire (s’asservir) ou non (être asservi). En définitive, obéir signifie s’asservir seulement si celui qui réduit sa liberté le fait…librement.
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