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Photo du rédacteurMikael Dürrmeier

Peut-on aimer sans souffrir ? | Fribourg #28

Dernière mise à jour : 27 nov.

Amour et souffrance. Les joies et les peines, les unes après les autres et les autres après les unes. Au point de se demander si amour et souffrance comme joies et peines ne sont pas les facettes, inséparables donc, d’une même pièce qui serait notre vie. Alors, pour ce café-philo, nous nous sommes demandé·es si l’invraisemblable était tout de même possible : si nous pouvions aimer sans souffrir.


Primo, l’amour n’est pas la souffrance. Nous souffrons parce que nous aimons, oui. Mais cette relation de causalité (j’aime donc je souffre) n’est pas une relation d’identité (aimer, c’est comme souffrir). La souffrance n’est pas une condition essentielle de l’amour en soi mais plutôt l’une de ses très probables conséquences. La simultanéité récurrente de ces notions, dans nos vécus et la conscience populaire, nous amène à les associer jusqu’à les confondre.


Secundo, s’il y a causalité, il nous faut distinguer la cause et l’effet et étudier leur relation. L’évidence de nos vécus nous le confirme ; si l’amour est cause de quelque chose, ce n’est pas forcément, toujours et inévitablement de peine. L’amour, comme sentiment pour autrui (être amoureux·se) ou comme actions entreprises pour le bien de l’être aimé (aimer) peut inspirer bien des choses et souvent simultanément, dont de la souffrance.


Tertio, si la relation de causalité entre amour et souffrance n’est pas nécessaire (donc inévitable) mais contingente (donc éventuelle), il est théoriquement possible d’aimer sans souffrir. Cela dit, il convient d’observer pourquoi l’amour peut être source de souffrance, et même pourquoi c’est si souvent le cas. Les réponses relevées devraient nous permettre d’envisager si l’amour est possible sans souffrance en pratique. C’est ce qui compte après tout.


Nous pouvons distinguer neuf principales sources de souffrance dans l’amour. 1) L’amour est source de désirs et le désir est, par définition, lié à un manque qui peut faire souffrir. 2) De là naissent les attentes, les espoirs souvent idéalisés et leurs probables déceptions. 3) Ces attentes sont d’ailleurs liées à nos influences sociales mais aussi à nos vécus, à notre parcours et nos blessures. Dans l’amour, c’est souvent notre histoire qui nourrit nos peines.


On peut cultiver un amour désintéressé (cf. 1), un art stoïque du détachement (cf. 2) et un amour de soi serein et bienveillant (cf. 3) dans l’espoir d’atténuer les risques de peine. Il n’empêche que 4) l’amour, même dans la passivité d’un sentiment, reste un engagement dont les heures, l’énergie et les émotions données, sacrifiées, suscitent l’attachement et donc des attentes. Plus nous nous engageons, plus le détachement et le désintérêt semblent difficiles.


5) C’est d’autant plus vrai que le temps et les vécus partagés nous lient et que la proximité augmente les probabilités de souffrir, ne serait-ce que de compassion. Notons que ces points ne considèrent encore que l’amour de l’être aimant vers l’être aimé comme la relation d’une mère à son enfant. 6) Or l’amour est le plus souvent ancré dans une relation, une dynamique où l’autre peut aisément nous blesser et 7) où nous sommes d’ailleurs le plus vulnérable.


Finalement, il nous faut ajouter que 8) la vie est faite de hasards, heureux ou malheureux et que 9) nous sommes des êtres limités, imparfaits et toujours en devenir. Tous ces points considérés, il est clair qu’aimer sans souffrance est une chose rare et éphémère dans les aléas de la vie, de nos erreurs et celles d’autrui. Pour moins souffrir, il nous reste à devenir meilleures là où nous le pouvons (cf. 1-7). Ou restreindre notre amour (cf. 1-7), à son détriment.


Il est donc pratiquement impossible d’aimer sans souffrir. Et c’est probablement très bien comme ça. Car ce qui compte ce n’est pas de ne jamais souffrir, c’est que nous faisons de cette souffrance quand elle survient. Dans la souffrance, lorsque celle-ci n’est pas fatale, nous pouvons chercher à grandir, pour nous et autrui. Et quand elle l’est, fatale, nous devons apprendre à nous résigner. Pour aimer encore, ou à nouveau.

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